Adèle veut balayer le marché français

15 mai 2013

Après trois ans de démarches et de préparatifs minutieux, le Groupe Adèle se lance en affaires chez nos cousins français. L’objectif est ambitieux : d’ici cinq à dix ans, Gaétan Migneault et Julie Bergevin, propriétaires de l’entreprise, s’attendent d’y voir fleurir plus de 1000 franchises. Et ce n’est qu’un début, car la PME a d’autres pays dans sa mire.

En France, la stratégie est d’implanter de dix à quinze Groupe Adèle, qui vont vendre et opérer de 50 à 70 franchises chacun. «Les tous premiers franchisés viendront recevoir leur formation au Québec et seront en opération au cours de la prochaine année», explique Gaétan Migneault, président.

C’est le gouvernement français, par le truchement de l’organisme étatique « Invest in France », qui a approché l’entreprise. Cet organisme repère à l’étranger des entreprises qui représentent un potentiel sérieux pour les inciter à investir en France afin de créer des emplois.

«Nous arrivons dans un pays aux prises avec un problème de chômage important, avec un modèle structuré qui permet à quelqu’un de se lancer en affaires avec seulement 30 000 euros. Si l’on considère que chaque franchise peut avoir de 3 à 7 employés, cela signifie qu’à terme, le projet Adèle pour la France peut générer 5000 emplois», ajoute Gaétan Migneault.

Cela se fait dans un contexte où, en France, l’industrie des services à la personne est en pleine croissance, selon le président du Groupe Adèle. «Des mesures incitatives font en sorte que le client peut déduire une partie du prix d’un service de ses impôts, à la condition que le donneur de service déclare ses revenus au fisc».

Dès 2010, les associés se sont joints à une mission économique du Conseil québécois de la franchise et ont participé à un salon de franchiseurs, à Paris. C’est à cette occasion qu’ils ont trouvé leur partenaire français, avec qui ils ont fondé la société Adèle France, dont ils demeurent les actionnaires majoritaires.

«Il était important d’avoir un associé français qui connaisse les lois et les façons de faire pour épauler les franchisés sur place, agir d’intermédiaire avec les banques et nous apporter une crédibilité dans un marché inconnu», souligne Julie Bergevin, vice-présidente.

Les deux entrepreneurs ont travaillé fort pour s’adapter à la culture des affaires française et à sa lourde bureaucratie.

« C’est très complexe de se lancer en affaires en France. Quelque chose d’aussi simple que l’ouverture d’un compte bancaire ressemble aux 12 travaux d’Astérix!» ajoute Julie Bergevin. «Sans compter que le vocabulaire est très différent. Nous avons beau parler français, ce n’est pas la même langue. »

Un autre incontournable : adapter les services offerts aux habitudes françaises.

« Là-bas, il faut offrir des services de repassage, c’est indispensable pour gagner des clients. En France, la plupart des gens n’ont pas de sécheuse, les tissus ne sont pas les mêmes et les vêtements demandent plus de repassage. Cela fait partie des attentes », dit Gaétan Migneault.

Dans un pays où les plus fortunés emploient des domestiques depuis des siècles, on s’étonne d’apprendre qu’une industrie de services d’entretien ménager bien structurée était pratiquement inexistante.

« Ils ont des femmes de ménage, mais c’est comme ici : chacune fait les choses comme sa mère lui a appris. On va créer l’industrie comme on l’a créé au Québec. »

En effet, avant la naissance d’Adèle au Québec, personne dans le milieu des affaires ne s’était aventuré dans les services ménagers à domicile de la manière quasi scientifique dont Gaétan Migneault s’y est pris en créant l’entreprise, en 1994.

À l’époque, c’était déjà pour lui une troisième carrière. Auparavant, il avait travaillé pendant 14 ans dans le domaine de l’assurance, puis il avait été vice-président de Groupe Vertdure, une entreprise spécialisée en fertilisation.

« J’ai pris une année sabbatique pour réfléchir à mon prochain défi, se souvient-il. Un soir, en relisant mes notes, j’ai réalisé à quel point j’aimais la vie d’hôtel. Le fait d’entrer dans une chambre où rien ne donne l’impression que d’autres personnes y ont dormi. On sort de la chambre le matin et quand on revient le soir, tout est impeccable. Si c’est un bon hôtel, on va même avoir un petit chocolat sur la table de nuit. Je me suis dit que j’allais amener cela chez les gens. »

De sept heures du matin à dix heures du soir, pendant dix mois, il s’est mis à enquêter, à rencontrer des spécialistes en entretien ménager commercial et à effectuer des tests avant même de trouver son premier client.

« Il n’y avait pas d’expertise en entretien ménager dans le résidentiel. Quand on lave une baignoire, comment faire pour qu’elle reste propre plus longtemps? D’où vient la poussière? Quels sont les meilleurs produits? Comment sauver du temps? Ce sont des questions que je me suis posées pour élaborer une méthode de travail qui soit reproductible dans toutes les résidences, et choisir les meilleurs produits de nettoyage pour maximiser les résultats. »

Avocate de formation, sa collègue Julie Bergevin a pratiqué le droit maritime pendant cinq ans. Elle rêvait de faire sa marque dans le monde des affaires et de révolutionner un domaine comme les Coco Chanel et les Helena Rubinstein de ce monde. Voyant que son ami Gaétan obtenait du succès avec sa nouvelle entreprise, elle lui a proposé de démarrer Adèle à Montréal.

En 2001, les deux associés créaient leur modèle de franchise, qui a connu une croissance exponentielle depuis. Aujourd’hui, le groupe compte une centaine de franchisés au Québec et une quinzaine en Ontario. Chaque mois, ils reçoivent de vingt à quarante propositions de candidats intéressés à acquérir une franchise au Québec. Ils en choisissent trois ou quatre à partir de critères qu’ils préfèrent garder secrets.

La prochaine étape après la France sera peut-être le Royaume-Uni ou l’Allemagne, deux pays également intéressés à accueillir l’entreprise. La Belgique, la Suisse et le Luxembourg représentent également d’autres marchés intéressants.